PAR FARID EL BACHA
Professeur de l’enseignement supérieur, Farid El Bacha est président fondateur du Centre marocain des études juridiques et également président délégué de l’association Ribat Al Fath pour le développement durable
La loi 31/08 édictant des mesures de protection du consommateur vient d’être publiée au bulletin officiel. Elle fait donc -après une longue période d’attente- partie du droit positif marocain.Il s’agit, sans conteste, d’un tournant dans le processus de protection des consommateurs au Maroc. Sans constituer une législation ou un code de la consommation, le nouveau dispositif apporte des innovations majeures qui permettent de dépasser les limites du droit classique fondé sur une vision individualiste du rapport contractuel et supposant une égalité naturelle et abstraite entre contractants.
Aujourd’hui, le développement des contrats d’adhésion, c’est-à-dire ceux où l’on adhère sans possibilité réelle de discussion et qui sont souvent pré-rédigés par la partie forte économiquement et socialement, appelait une législation protectrice des adhérents, souvent inexpérimentés et dans le besoin. Car à la liberté et à l’égalité naturelle supposées dans le droit classique a succédé une inégalité réelle où le contractant en situation de force dicte sa loi au consommateur souvent en situation de faiblesse, condamné à accepter sans possibilité réelle de discuter les conditions des fournisseurs et des professionnels. L’adoption d’un nouveau dispositif répond ainsi à la nécessité de dépasser les limites du droit classique, de répondre à l’évolution des relations contractuelles , au besoin accru de protection des contractants en situation de faiblesse et à plus de justice et de loyauté dans les rapports entre contractants.
La loi 31/08 consacre et renforce ainsi les droits fondamentaux des consommateurs: droit à l’information, à la protection de ses droits économiques, droit à la représentation, à la rétractation et à l’écoute. L’information appropriée du consommateur, sa protection contre les clauses abusives, ses garanties contre des défauts de la chose vendue, la représentation et la défense des intérêts des consommateurs sont ainsi autant d’objectifs visés par la loi 31/08 qui offre donc un cadre moderne définissant les relations entre consommateurs et fournisseurs et comprenant pas moins de 206 articles.
Désormais pèse sur tout fournisseur une obligation générale d’information du consommateur tant sur les caractéristiques essentielles du produit, du bien ou du service que sur les délais de livraison. Une obligation que sous-tend un formalisme protecteur renforcé.
Désormais, les clauses abusives, c’est-à-dire celles qui créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, sont nulles et laisseront subsister le contrat.
Désormais et au registre des pratiques commerciales, est formellement et expressément interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sous peine d’une sanction pénale. L’offre de contrat dans les contrats conclus à distance doit de même comporter des informations fixées avec grand luxe de détail: identification du produit, modalités de paiement, coût de la technique de communication à distance utilisée, etc. L’une des innovations majeures a consisté à conférer au consommateur un droit de rétractation, c’est-à-dire la possibilité de changer d’avis sur son achat et cela sans avoir à se justifier ni à payer des pénalités. Innovation majeure lorsqu’on sait qu’au terme du droit commun des obligations et des contrats, les obligations valablement formées tiennent lieu de loi pour ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que par leur consentement mutuel.
Les opérations de démarchage, les ventes en solde, à la «boule de neige», les loteries publicitaires sont désormais entourées d’une série de mesures protectrices du consommateur pour son consentement libre et éclairé .Une seconde innovation majeure a consisté à sanctionner, tant sur le plan civil que pénal, l’abus de faiblesse ou de l’ignorance du consommateur en tant que principe général.
L’endettement est de même encadré à travers une réglementation minutieuse du crédit à la consommation et du crédit immobilier de nature notamment à ce que le consommateur emprunteur puisse apprécier la nature et la portée de son engagement financier.
L’objectif de protection des droits économiques des consommateurs a conduit le législateur à donner la possibilité aux associations de consommateurs de former des actions en justice et de se constituer partie civile pour la défense de leurs intérêts. Le législateur ambitionne enfin de développer la culture consumériste et de hisser le niveau de protection des consommateurs en créant un fonds national pour la protection du consommateur et un conseil consultatif supérieur de la consommation. Reste à assurer le service après-vente… en créant les conditions d’une saine et réelle application de la loi par l’adoption des textes d’application et surtout par des actions d’information et de sensibilisation d’envergure en direction notamment des associations de consommateurs et des entreprises.
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